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quantifié sur un synthétiseur monophonique premier prix, un interne qu’il a réveillé lui assure qu’une ambulance et deux brancardiers passeront embarquer le corps avant une demi-heure, demi-heure qu’il passe le front collé contre la vitre de la porte-fenêtre ouvrant sur le balcon, le corps en équilibre légèrement penché vers l’avant, immobile, se forçant à faire le point sur cette nouvelle enquête mais concentrant l’essentiel de son énergie à interdire à son éternelle casuistique de repartir inutilement en boucle, le regard fixant la nuit berruyère sans rien voir. Les deux brancardiers arrivent enfin pour emporter le corps de la victime et le libérer de sa torpeur puis ses collègues de l’Identité lui annoncent qu’ils ont fini leur travail pour ce soir sans qu’ils aient pu apprendre rien qui soit à la fois nouveau et intéressant. Ils sortent ensemble, posent les scellés sur la porte de l’appartement à 6h41, descendent l’escalier, se saluent au pied de l’immeuble avant que chacun ne remonte dans son véhicule. Lespalettes, seul devant son volant, se crée alors un millefeuille mental, c’est comme ça du moins qu’il a toujours appelé cette construction intellectuelle depuis qu’il en a pris conscience, dès l’adolescence autant qu’il s’en souvienne.
La première couche du millefeuille, c’est lui et sa situation, nues. Juste au-dessus, on trouve comme dans les dessins animés pour enfants et de façon générale l’imagerie populaire, un angelot bienveillant à droite faisant face à un diablotin cynique et de mauvais conseil. Ils se disputent comme il se doit, le premier rappelant Lespalettes à ses devoirs, à l’exigence élémentaire du travail bien fait qui devrait le conduire immédiatement et sans se poser la moindre question
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