|
visualisant mentalement le sale trottoir sur lequel il marche depuis des années et les déjections de clébards collées à ses semelles mais se dit que, définitivement, sachant d’où il vient – socialement j’entends –, imaginant trop bien d’où son interlocutrice, elle, peut venir, ce serait indécent au-delà de tout qu’il laisse à cet instant la moindre place à sa complaisance. Cela étant, il ne sait pas pour autant quoi répondre et, conséquemment, un ange passe, ou peut-être n’est-ce qu’un pigeon qui à son tour défèque sur le trottoir.
— J’ai encore un truc à vous demander, m’sieur !
— Je vous en prie…
— Ben… tu vois… dix heures du matin, t’as vu l’heure à laquelle on se couche ou bien ! Franchement, c’est abuser ! S’vous plaît, m’sieur, sans vouloir vous commander, mais quand même, quoi !, ça s’rait pas possible de venir au commissariat mardi dans l’après-midi ? Genre, tu vois, à quatre heures, le temps de se réveiller, tranquille, quoi !
— Va pour seize heures (il dit ça avec un grand sourire, presque un rire franc tant il est soulagé qu’elle l’ait libéré de son asthénie) !
Shéhérazade sort alors de l’appartement et, comme dans un vaudeville bien timé, son collègue de l’Identité fait au même instant son entrée pour lui annoncer, non pas qu’il est l’amant de sa femme, mais qu’il peut à présent s’occuper de procéder à l’enlèvement du cadavre – l’effet comique est moins patent, j’en conviens. Lespalettes téléphone au commissariat de Bourges, obtient le numéro de la morgue qu’il appelle à son tour puis, après avoir patienté une dizaine de minutes en compagnie de la Petite Musique de nuit composée au séquenceur
|
|