tendre l’autre joue, toutes ces choses qui semblent parfois un peu vieillottes aujourd’hui, ben, il y a des moments dans la vie où ça ne fait pas de mal de les mettre un peu en pratique…  Si je peux aider à ce que ce pauvre garçon souffre un peu moins en apprenant la mort de ma petite chérie… Allez ! J’ai bien assez souffert  moi-même aujourd’hui pour ne  pas  lui  imposer la même chose…
       — C’est  tout  à  votre  honneur, Lauranne  (c’est dit avec une bienveillance ostensible comme un vrai enculé, deux fois, une première parce que c’est la moindre des choses de ne pas dire à celui à qui on refourgue son boulot qu’il est un blaireau d’accepter, et une seconde parce qu’elle peut absolument entendre de façon sous-jacente dans sa phrase « Tu es une fille bien. Je suis un type bien. C’est un bon début pour un couple sérieux, non ?… » – définitivement, s’il n’arrive pas à la pécho, ce ne sera pas faute d’avoir bien fait les choses)… Dernière question, je suis malheureusement obligé de vous la poser Lauranne (il poursuit avec son ton compassé), vous étiez où cet après-midi entre 16h30 et 18h ?
       Et là,  étonnamment,  et brutalement aussi,  finis  les bouh !, finis les ouin !, pour la première fois depuis le début de leur conversation elle n’a pas l’air de se construire artificiellement mais semble au contraire laisser échapper un torrent qui la dépasse. Elle éclate en sanglots nerveux,  sans signe annonciateur,  d’un coup d’un seul, convulsivement, elle n’est plus que pleurs et tremblements l’empêchant de s’exprimer pendant d’interminables secondes. Lespalettes retire son blouson laissant apparaître sous son bras gauche son arme de service,  lui  passe sur  les épaules et tente