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pour pouvoir rester accroché à cet essentiel, comme un naufragé qui jette à la mer tout ce qui n’est pas indispensable et qui pourrait alourdir son radeau, il a le sentiment de devoir peu à peu abandonner l’accessoire, à commencer par cette exigence, cette volonté de tout contrôler, cette énergie remarquable qui qualifiaient si bien le flic jeune et brillant qu’il était il y a encore dix ans. Aussi, comme tout plein de gens chaque jour dans le cadre de leur boulot, et également dans celui de leur vie privée d’ailleurs, qui, lorsqu’une occasion se présente de se défiler et de refourguer une tâche pénible qui leur incombe à un autre, surtout lorsque cet autre se propose de bon cœur, n’hésitent pas une seule seconde à s’en débarrasser sans même en concevoir un remords bien terrible, il ne réfléchit pas longtemps avant d’accepter :
— Bah ! Si vous insistez, Lauranne, ce sera peut-
être mieux pour lui après tout… Précisez-lui également que je le contacterai en début de semaine afin de recueillir sa déposition. Juste une question tout de même (il force son sourire afin que sa remarque glisse de la suspicion vers l’ironie bienveillante, ce serait trop con de ne pas tirer à cause d’un manque de tact), il me semblait que vous ne l’appréciiez pas excessivement ce grand et riche jeune homme amateur de vin, je me trompe ?
— Oh ! Vous savez, je m’emporte des fois, surtout ce soir – je suis tellement bouleversée par la mort de ma petite chérie (bouh ! ouin !) ! –, mais au fond, je ne suis pas une mauvaise fille… Et puis, on est chrétien tout de même commandant (disant cela, elle sort de son chemisier la petite croix qui orne son collier) ! J’ai été chez les sœurs, vous savez ! L’amour du prochain,
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