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pour un fou à contempler la victime sans bouger depuis cinq minutes, le regard perdu dans le vide, à moins qu’ils ne le prennent pour un super flic trop fort qui a déjà résolu la moitié de l’enquête en observant à ce point scrupuleusement la scène – il faudrait qu’à cet instant il passe un imperméable gris, qu’il se touche le front du pouce, puis qu’il lève le bras à moitié en l’air en faisant un geste de la main, l’index tendu, qu’il leur pose l’air de rien une question à laquelle ils n’avaient pas même songé, et puis qu’il leur parle de sa femme, de sa Peugeot et de son chien, là c’est sûr qu’il passerait à leurs yeux pour un grand enquêteur –, ou alors ils le prennent juste pour ce qu’il est, un OPJ comme plein d’autres, commandant tout de même, major de l’Ensop tout de même, ancien de la BRI-PP et de la Crim’ parisienne tout de même – mouais… ça commence à dater tout ça… – et qui, comme eux, est un type avec ses soucis, avec ses échecs, avec ses réussites aussi bien sûr, et qui fera bon an mal an son boulot parce qu’il faut bien rendre des comptes à son chef de service, et à soi-même surtout.
Le coup de pied au cul arrive enfin au moment où il s’apprête une énième fois à ressasser que, justement, ce n’est pas ça qu’il aurait voulu être, pas un flic comme un autre parmi d’autres, que jeune, il se rêvait un peu plus que ça, et aussi plus utile que ça. Il sort de la pièce le regard un peu moins dans le vague et retourne à l’entrée rejoindre les témoins. Il s’adresse de nouveau à Lauranne :
— Elle lisait beaucoup votre colocataire (il hésite entre la question et l’affirmation et finit par poser scrupuleusement un point d’interrogation à la fin de sa phrase) ?
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