Tristan-Edern Vaquette est l’un des dix, peut-être des cinq auteurs modernes qu’il est essentiel d’avoir lus. Après l’avoir approché, nous ne sommes plus les mêmes. Notre vision des êtres et des choses a changé. Nous sommes plus intelligents. Sans doute même avons-nous plus de cœur.
A. H., d'après Mauriac à propos de Borges (par mail)
J'ai décidé de consacrer un bout d'étagère dans la bibliothèque de mon bureau (en fait dans ma bibliothèque "théorique", c'est-à-dire à côté de mes bouquins sur les inégalités et le capitalisme) à tes livres.
Un éminent chercheur en sciences sociales (par mail)
Ce roman parle vraiment de notre siècle – de son injustice sociale, économique, symbolique, de la rage de vivre et de ce qui s'y oppose, de la souffrance de chercher un sens à sa présence au monde et à la rugosité blessante de ce dernier.
J-S. G. (par mail)
S'il y a quelque chose que j'aime beaucoup chez toi et qui me semble précieux, et que l'on retrouve chez peu d'autres artistes ou intellectuels qui se revendiquent plus ou moins "libertaires", c'est ta faculté à rendre désirable, bandante, la liberté – ce que tu fais très bien justement en lui donnant chair avec le personnage d'Alice. Autant dire qu'il est urgent de s'aventurer ou de se réaventurer dans ton roman !
La grande réussite de ce tome, c’est cela : ce jeu de miroir permanent entre les protagonistes. Lauranne est ainsi le parfait opposé d’Alice, le père de Lauranne l’opposé de son beau-père, etc. A lire, c’est un vrai régal. C’est un travail de titan que d’avoir creusé à ce point-là, la vie des personnages. Et tu as raison : c’eut été dommage de publier seulement le polar et de laisser tout ce background dans l’ombre. L’autre régal, ce sont les auditions de Shéhérazade, que je me suis amusé à lire à haute voix, avec l’accent idoine. Je comprends pas tout, mais c’est un vrai kiff !
S. J. (par mail)
Comme dans la real life, tous les personnages sont pétris de contradictions. Leurs masques sociaux cachent des peurs, des traumas, des déchirures que l’héroïne et ses proches, à la fois écrasés par les déterminismes familiaux et sociétaux, à la fois résistants contre ceux-ci, ont un peu du mal à cacher. Au fond, Du champagne, un cadavre et des putes est peut-être plus un roman sur la résistance qu’un roman sur l’amour et la liberté. La résistance entendue comme la capacité à résister contre le pouvoir des institutions et la nuisance des préjugés, ou comme une "métamorphose" permanente afin de déjouer, d’esquiver les contraintes sociales qui mutilent chaque année des millions de personnes.
Bonnot de Molen (par mail)
C’est incroyable ! À partir du chapitre The Great Pretender, woaw ! Quelle classe, c’est fou. Tu as réussi à me faire pleurer sur des passages juste parce que ce qui est raconté est beau.
J. (par mail)
C'est bien simple : rare sont les fois où un livre m'a plu au point de ne rien vouloir faire d'autre que de continuer sa lecture !
S. G. (par mail)
J'avoue, je n'en reviens pas de cette entreprise littéraire hors norme... Ca me semble inhumain de se dédier à ce point à un projet si titanesque, qui ne peut que phagocyter une bonne partie de ton existence. J'en suis franchement baba. [...] Il y a là une expérience de lecture étonnante et innovante. Rien de comparable avec la production littéraire du moment, trop souvent convenable et paresseuse.
F. R. (par mail)
Vaquette dans la nouvelle émission
télé de Frédéric Taddeï
"Il est interdit d'interdire" (RT France) :
Alice, jeune prostituée, est retrouvée morte dans son appartement. L'enquête de police qui en découle sert alors de prétexte pour retracer in extenso la vie de cette héroïne placée sous les signes du refus, de l'excentricité, la grâce, la résilience, la passion, l'agentivité ou l'empowerment.
Récit initiatique inclassable qui s'ouvre sur un polar léger, bascule rapidement vers un genre de feuilleton social aussi noir qu'un puits de mine des Combrailles, devient, dès le deuxième tome, roman d'amour lumineux, puis se mue en son milieu en essai radical avant de boucler sa boucle sur le polar qui livrera au lecteur - enfin ! - le nom de l'assassin.
Roman bien sûr et avant tout, mais aussi monographie / pamphlet qui se positionne farouchement du côté des putes - jamais de celui des clients, et encore moins des militants anti-prostitution -, du côté du féminisme individualiste libertaire - jamais de celui qui a fait alliance avec les theocons (theocratic and conservative) puritains -, du côté de la liberté, de la marginalité, de la déviance.
Commencé par T.-E. VAQUETTE en février 2010, Du champagne, un cadavre et des putes est, dix ans plus tard, achevé à 95 % et devrait compter au final quatre tomes et 2 500 pages.
Extrait N°1 : le stigmate de pute comme outil de domination de TOUTES les femmes.
Extrait tiré de la partie II, chapitre 7 : "Pour vous, messieurs."
Aux confins du pamphlet et du cours d'ethnologie, Super-Alice, inspirée en grande partie par le travail de Paola Tabet sur le sujet, nous explique que le stigmate de pute, de tout temps et partout sur la terre, a été un outil de contrôle et de domination de TOUTES les femmes.
Après une mise en perspective historique, elle s'intéresse plus précisément à "notre" stigmate de pute, ici et aujourd’hui, et cherche à comprendre au service de qui et de quoi il s'est mis en place dans nos sociétés. Notre héroïne se fait ainsi un devoir d'inoculer au mariage, au patronat, aux "féministes" ou aux "gauchistes", un concentré d'anarchie en guise d'antipoison. Venimeux - et imparable.
L'extrait est livré en deux parties (au choix, en version PDF pour liseuse ou lecture vidéo par l'auteur) :
Partie 1
(PDF pour liseuse)
Partie 2
(PDF pour liseuse)
Lawrence :
Alice n'a pas choisi la prostitution, commandant - j'entends, comme petit, on rêve d'être astrophysicien, rarement éboueur ou femme de ménage. Mais elle a choisi délibérément, lucidement, courageusement de donner à la plante sauvage qui était le cœur de sa nature la chance de pouvoir grandir en liberté plutôt que de s'enfermer, se réduire, étouffer ou du moins se condamner à limiter sa croissance, se mutiler - comme ces Chinoises dont on comprimait les pieds dans des bandages jusqu'à les briser afin que leur taille exagérément petite corresponde aux critères de bienséance de l'époque -, plantée dans un pot en plastique trop petit derrière une grille en fer trop grande sur un triste balcon en béton, ou de grandir confortablement à l'ombre d'une des tours de mon château avec le risque de devenir dépendante d'un tuteur pour se tenir droite et debout.
Alors, elle est allée chercher sa lézarde, à elle, peut-être pas la plus grande, peut-être pas la plus belle et assurément pas la plus confortable, mais elle s'y est accrochée et, avec l'outrecuidance de sa jeunesse, avec l'orgueil démesuré qui était le fond de son caractère, elle était persuadée - ou du moins elle l'affirmait avec arrogance - qu'un jour, sans jamais, pour monter jusqu'au ciel, lécher l'écorce d'un protecteur puissant comme l'obscur lierre de Cyrano, elle deviendrait si grande, si imposante, si considérable qu'elle plongerait toute la façade de l’immeuble dans son ombre - jusqu'au penthouse qui domine l'ensemble - et que la façade en question en deviendrait moins blanche mais plus lumineuse.
Et moi, modestement, comme un humain, et comme un amoureux, comment vouliez-vous que je la juge et a fortiori que je lui interdise de grandir où elle le désirait ? Je lui ai simplement - ce qu’on doit faire - donné amour, confiance et sécurité. Je la regardais jour après jour s'élever avec un bonheur de jardinier qui n'y est pour rien si des ronces se sont installées dans son potager mais qui sait apprécier les mûres qu’elles lui offrent et qui ont le parfum d'aucun autre fruit. Je la regardais grandir, jamais trop loin du pied du mur des fois qu'un orage violent l'arrache de la façade et la jette à terre, ou pour le jour où elle aurait décidé d'elle-même de prendre ses racines à son cou et de sauter au sol pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs, un arrosoir, un grand sac de terre de bruyère et des engrais exclusivement naturels à portée de main pour l'aider de mon mieux à aller poursuivre sa croissance là où, elle seule, le jugerait bon.
Voyez, commandant, vous aviez raison, j'étais un... proxénète qui se respecte. Un proxénète exemplaire.
(Du champagne, un cadavre et des putes, P. II, ch. 8 : Liberté)
Je n'ai jamais lu un livre aussi riche aussi rapidement ! C'est juste, fin, drôle, touchant, très fortement, ça remue, ça porte à réflexion, c'est informé et informatif, c'est intelligent, c'est puissant, c'est varié, c'est brut, c'est rare... et puis, pour ne rien gâcher, c'est très bien écrit, sans emphase ni longueur.
Julien F.
Extrait N°4 : liberté et marginalité.
Extrait tiré de la partie II, chapitre 8 : "Liberté" - qui porte parfaitement bien son titre.
L'amoureux de la victime (et principal suspect), Lawrence Turner, se livre en garde à vue à une leçon de choses radicale sur la frontière riche et complexe entre marginalité choisie et marginalité subie.
À la frontière entre le manifeste politique et la déclaration d’amour.
Probablement l'âme de ce roman.
L'extrait est livré en deux parties (au choix, en version PDF pour liseuse ou lecture vidéo par l'auteur) :
Partie 1
(PDF pour liseuse)
Partie 2
(PDF pour liseuse)
Alice :
Je n'attends pas qu'on vienne me sauver. Qu'un homme vienne me sauver. Qu'une abolo ou qu'une féministe vienne me sauver. Que la société vienne me sauver. En m'imposant leur bien et leur mal - et l'éternelle aliénation que ces notions éminemment cléricales portent en elles. La seule question est : compte tenu de ma personnalité, de mon histoire, de ma position sociale..., bref, de mon champ des possibles - qui ressemble rarement à un infini idéal ; je pourrais l'écrire deux fois, c'est salement important : qui ressemble rarement à un infini idéal -, comment puis-je accroître ma part d'autodétermination ? Pour cela, j'ai besoin - moi comme toutes les autres ; moi, comme tous les autres - de force, de confiance, de courage, de volonté, tout ce qui est l'exact opposé du cliché de l'éternelle victime faible collé à notre peau - celle des femmes en général et celle des putes en particulier - comme une tique qui finit par nous anémier - nous rendre réellement victime et faible - et parfois même nous détruire pour pouvoir se nourrir elle-même.
Les principes, les buts, les pratiques - et l'histoire - du féminisme, c'est de nous aider à accroître cette force, cette confiance, ce courage, cette volonté, c'est de nous aider à dire je qui est le premier pas vers le pouvoir de l'action, de la libération, et fière d'être pute parce qu'on n'édifie rien de bon sur la honte, c'est de nous aider à trouver les outils pour nous construire une réalité qui nous corresponde au mieux - ou au moins mal - et les armes pour défendre le terrain ainsi conquis, et de combattre toutes les réalités oppressives qui nous aliènent.
À commencer par cette tique, ces stéréotypes de genre, cette assignation à résidence, ce stigmate de pute qui est de très loin la première. La législation dérogatoire réglementariste, prohibitionniste ou... abolitionniste qui s'applique à notre activité et qui est assurément la deuxième. Et la troisième, le paternalisme bien-pensant qui, de tout temps, a considéré que nous étions incapables de décider par nous-mêmes de nos propres vies et qu'il était impératif de nous mettre sous tutelle, de nous considérer comme des demi-enfants, nous, plus encore que toutes les autres femmes.
(Du champagne, un cadavre et des putes, P. II, ch. 9 : Fière d'être pute)
Extrait N°2 : plongée
dans l'univers des bars à champagne.
Extrait tiré de la partie II, chapitre 4, "Sœurs de la Côte".
Il permet de comprendre un peu mieux la mécanique narrative du roman. Trois "pastilles" ("sous-chapitres"), qui mettent en scène le journal de l'héroïne et l'inénarrable "Commandante Shé" face à l'enquêteur, dévoilent par touches successives l'univers du bar à champagne et du pigeonnage dans lequel elles évoluent.
De l'intimiste, de l'insulte façon téci et de la poésie punk pour finir.
L'extrait est livré, au choix, en version PDF pour liseuse ou lecture vidéo par l'auteur :
Extrait N°2
(PDF pour liseuse)
Extrait N°3 : c'est beau l'amour.
Extrait tiré de la partie II, chapitre 6, "C'est beau l'amour".
Tout est dans le titre.
L'extrait est livré en deux parties, au choix, en version PDF pour liseuse ou lecture vidéo par l'auteur :
Extrait N°3
(PDF pour liseuse)
Ces doubles allers-retours, à la fois entre le journal d'Alice et l'enquête de Lespalettes, et au sein du journal et de l'enquête qui chacun s'affranchit d'un ordre purement chronologique, ça désoriente d'abord un peu, mais très vite le sens de la démarche émerge. C'est une approche impressionniste, quasi-pointilliste de la narration, et ça fonctionne très bien, petit à petit le tableau se dessine sous nos yeux, plus de façon holographique que séquentielle - au sens où chaque nouveau segment, plutôt que de venir simplement combler une zone d'ombre de plus (de moins ?) apporte aussi de la définition à l'ensemble de l'image.
Ça évoque le "stream of consciousness" cher à la littérature dite "moderniste" (Proust, Joyce, Faulkner, Woolf...) mais en plus construit, plus maîtrisé, parce que tu élabores ton récit avec des segments qui sont individuellement cohérents et autonomes, aux frontières bien définies, comme les briques d'une maison qui cependant en s'assemblant forment quelque chose qui est plus que la somme de leurs constituants.
Paul B.
Extrait Bonus : la bibliothèque de Lawrence.
Extrait tiré de de la première partie du roman (la partie "polar").
Un court passage "très technique" (j'entends, comme on parle de rap "très technique"). Disons que son intérêt est avant tout formel, littéraire. Et l'occasion peut-être aussi de découvrir, au milieu de tout et de n'importe quoi, quelques bouquins trop méconnus.
L'extrait est livré, au choix, en version PDF pour liseuse ou lecture vidéo par l'auteur :